12/02/2021

La 5G sur Terre comme au ciel ?

 

La 5G est en cours de déploiement en plusieurs endroits du monde. Elle ne correspond pas à une technologie, unique, mais repose sur un ensemble complexe de technologies. Sa mise sur le marché relève d’une expérimentation en temps réel sur les êtres vivants. Décryptage de son fonctionnement.

L’industrie de la télécommunication vante les mérites de la 5G : débits de données augmentés, bien supérieurs à ceux des technologies actuelles, vitesse de téléchargement accrue, augmentation du nombre d’utilisateurs pouvant se connecter au même moment, dans une même portion du territoire (cellule ou cell, en anglais)... L’objectif de la 5G est d’augmenter la puissance de l’internet mobile.

Il s’agit de connecter non seulement les smartphones et les tablettes mais plus généralement tous les nouveaux objets connectés de l’Internet des Objets... Techniquement, jusqu’à un million d’objets au km 2 pourraient communiquer.

À chaque nouvelle génération de téléphonie mobile, de nouveaux standards. Cinquième génération du standard de la technologie pour la communication sans fil, le débit théorique validé des réseaux 5G est de 1 Tbit/s au km 2 (soit mille milliards de bits par seconde) et – en théorie toujours – 100 Mbit/s de débit assuré pour l’utilisateur. À titre de comparaison, la 4G offre un débit de 1 Gbit/s par cellule, et aux alentours de 30 Mb/s par utilisateur.

Davantage encore que le débit, en augmentation constante, c’est la réduction de la latence, passant de 30-40 millisecondes actuellement à 1 milliseconde (un millième de seconde), qui augure des perspectives inédites de développement d’interactivité (communication de machine à machine, sans plus d’intervention humaine, dans l’industrie) et d’hyper-connectivité (Internet des Objets).

Que l’on ne s’y trompe pas, la 5G ne pourrait parvenir à ses fins par une évolution douce des technologies antérieures. Elle doit donc être « disruptive » c’est-à-dire faire appel à un ensemble de technologies qui la différencie en profondeur des technologies de générations antérieures (2G, 3G, 4G).
Ainsi, le réseau 5G sera assuré par une multitude de petites antennes, couvrant un périmètre restreint, qui émettent des ondes millimétriques (des ondes entre 1 et 10 millimètres) « focalisées » sur les terminaux 5G (smartphones, tablettes et autres appareils connectés).
Ce réseau cellulaire 5G, constitué de petites cellules (small cells), continuera néanmoins à utiliser le réseau 4G existant. Les antennes de la 4G, placées en hauteur, assureront une couverture dite « en parapluie », statique et distante, sur des grandes cellules. La fibre optique, capable d’assurer de très hauts débits, relayera elle aussi le signal du réseau cellulaire 5G, sur certaines portions du territoire.

Ondes millimétriques

Une des clés technologiques de la 5G se situe dans l’utilisation des fréquences porteuses plus élevées que celles affectées aux générations actuelles 2G, 3G, 4G. En Belgique, la 4G et les technologies antérieures ont eu recours à des bandes de fréquences en dessous de 3 GHz [1]. La 5G vise l’utilisation d’une gamme de fréquences élargie jusque dans la gamme des ondes millimétriques (de 30 à 300 GHz). L’utilisation des ondes millimétriques, exploitées jusqu’alors seulement dans le domaine militaire, a été autorisée à partir de 2019 par la Conférence Mondiale des Radiocommunications.
À Bruxelles, on nous annonce une première phase de déploiement de la 5G utilisant notamment des fréquences autour de 3,5 GHz (dans la gamme des ondes centimétriques) de manière à assurer la capacité du réseau en termes de nombre d’utilisateurs et de débit. Dans une deuxième phase de déploiement, il est prévu de recourir à des fréquences autour de 25 GHz, proches de la gamme des ondes millimétriques.

Small cells

Le terme « cell » (pour « cellule ») est, dans le langage des technologies mobiles, une division du territoire réalisée en fonction de la géographie (relief) et de la population (densité). Ces cellules peuvent être plus ou moins grandes. Pour faciliter la représentation cartographique de la couverture, du réseau, on utilise des cellules hexagonales (comme le dessin alvéolaire d’une ruche). Bien sûr, la taille et la forme d’une cellule desservie par une antenne peuvent être très différentes. De plus, les signaux émis par une antenne ne s’arrêtent pas au bord de la cellule mais peuvent se propager au-delà.

Plus les fréquences porteuses sont basses, plus la portée du signal est grande, comme pour la bande 700 MHz, attribuée anciennement à la télé et radio-diffusion par signal analogique. Des radiofréquences basses permettent de transporter le signal sur de longues distances, plusieurs centaines de mètres, voire de kilomètres.

Le territoire est alors couvert en macro-cellules. C’est le cas pour les technologies 2G, 3G, 4G. En revanche, l’utilisation de fréquences porteuses élevées, de plusieurs GHz, dans la partie haute du spectre des radiofréquences (dites micro-ondes) pose un défi technologique majeur car les pertes de propagation du signal sont importantes. Ces ondes franchissent difficilement les obstacles et sont facilement perturbées même par les feuilles des arbres et la pluie.
Conséquence de cette particularité, la 5G exigera le déploiement d’un nouveau réseau d’antennes.

Des antennes beaucoup plus petites (micro-antennes) couvrant des zones réduites (small cells) et donc un réseau beaucoup plus dense : une antenne en moyenne tous les 150 m. Ces nombreuses nouvelles micro-antennes constitueront de nouvelles sources de rayonnements proches des habitations, des lieux accessibles au public et exposeront la plus grande partie de la population partout et en tout temps.

Il sera impossible de s’y soustraire. L’éclairage public, les panneaux de signalisation, le mobilier urbain, les bouches d’égout par exemple, pourraient ainsi devenir les supports privilégiés d’un tel réseau de petites antennes. Cette infirmité technique des ondes millimétriques pousse d’ailleurs le génie industriel à chercher de nouveaux supports d’antennes comme le développement d’antennes invisibles dans les vitrages [2].

Beamforming et mimo

La 5G fait par ailleurs appel à des techniques de beamforming (focalisation) et de massive MIMO (Multiple Input Multiple Output).

Pour comprendre en quoi le beamforming se distingue des technologies actuelles, imaginons une ampoule qui éclaire une zone, de manière statique. En technologie 2G, 3G et 4G, tant que l’on se trouve dans la zone éclairée par l’ampoule, on capte le signal, on a du réseau. Avec la 5G, il faut s’imaginer plutôt des faisceaux concentrés, dirigés de manière dynamique sur les terminaux (les utilisateurs). Cette spécificité s’appelle le beamforming. Plutôt que d’émettre dans toutes les directions pour couvrir une zone statique (sur un angle de 120° [3]), l’antenne 5G focalise le signal en direction des utilisateurs et vice-versa.

La formation des faisceaux focalisés sera réalisée à partir d’un réseau d’émetteurs à commande de phase (phased array). Les antennes 5G, les smartphones et autres terminaux 5G seront équipés d’un grand nombre d’éléments rayonnants qui travailleront ensemble. En agissant électroniquement sur les déphasages (décalages temporels) entre les éléments, ces réseaux phasés permettront d’obtenir des faisceaux étroitement focalisés et orientables en direction de l’utilisateur et vice versa. Développée à l’origine pour un usage militaire, cette technologie s’apparente à la technologie radar.

Le MIMO quant à lui est une technique qui permet d’optimiser la connectivité entre l’antenne et l’utilisateur réseau. Un smartphone 5G ou une antenne 5G travailleront de telle sorte que parmi tous les chemins (faisceaux) possibles qu’un signal pourra utiliser pour transmettre les données, c’est le chemin le plus optimal qui sera utilisé.

La concentration de la puissance électromagnétique dans des faisceaux modifie le type d’exposition que nous allons subir. Les intensités pourront atteindre des valeurs locales et instantanées largement supérieures aux valeurs qui ressortent des simulations et des mesures effectuées aujourd’hui pour contrôler le respect des normes d’exposition électromagnétique.

En effet, les simulations et les mesures ne considèrent que des valeurs moyennes, occultant de ce fait une partie de la réalité exprimée dans les valeurs locales et instantanées.

Déploiement spatial

En 2017, quelques grandes entreprise du secteur (Airbus Defence and Space, Echostar, Eutelsat, Hispasat, SES, Thales Alenia Space, Viasat...), associées à l’Agence spatiale européenne, ont créé l’association « Satellite for 5G », dont le but avoué est de démontrer l’utilité de l’intégration des satellites dans le dispositif de la 5G.

« L’objectif internet » est désormais un enjeu majeur pour les opérateurs de satellites qui ont perdu leur principale source de revenus : la diffusion de chaînes de télévision en mode broadcast (transmission d’un même signal TV à une multitude d’abonnés). Un modèle laminé par la télévision à la demande en ligne.

Fabricants et opérateurs de satellites avaient donc tout intérêt à unir leur force face à la baisse de leur chiffre d’affaires. Une nouvelle vague de concepteurs, de fabricants et de milliardaires, le « new space », persuadée que le satellite a un rôle à jouer dans l’internet mobile à haut débit, s’est donc activée. Leur idée ? Lancer en orbite autour de la terre, à basse altitude [4]. Cette proximité permet un temps de latence très court et une moindre énergie au lancement. Elle est utilisée notamment pour les systèmes de télécommunication, d’imagerie terrestre ou la météorologie. 27 % des satellites (554) naviguent sur une orbite géostationnaire, à 36 000 kilomètres d’altitude, qui sert notamment pour les services de communication comme la télévision, le satellite restant à tout moment au-dessus du même point. L’orbite moyenne, située entre 2 000 et 36 000 kilomètres, sert quant à elle aux satellites de navigation tels que le GPS. Source : « Combien de satellites tournent autour de la terre », C. DELUZARCHE, Futurasciences, 1 er avril 2019.]] (entre 500 km et 2 000 km), des « constellations » de centaines de mini-satellites. Ces nouveaux engins sont parfois aussi petits qu’une boîte à chaussures et pèsent entre 1 et 100 kilogrammes, ce qui permet de limiter les coûts de lancement.

Plutôt que de couvrir une large zone avec un seul faisceau, ils émettent une multitude de faisceaux dont chacun a une cible bien précise. Nous revoilà dans le beamforming et le MIMO, expliqués plus haut, mais dans l’espace cette fois et avec des puissances nettement supérieures à celles pratiquées sur terre. Les objectifs en revanche sont communs : réduire le temps de latence et garantir des hauts débits... en tout point du globe terrestre. La 5G transmise par satellite promet en effet de supprimer le problème des zones blanches où l’accès à internet est aujourd’hui impossible : en pleine montagne ou en pleine mer.

Plusieurs projets sont en cours. Le projet OneWeb, soutenu par le milliardaire Richard Branson, patron de Virgin, devrait atteindre une latence de 25 millisecondes. Il s’agit d’une constellation de 650 nanosatellites orbitant aux environs de 1 500 km. Les premiers ont été lancés en février 2019. Elon Musk (Tesla, SpaceX), autre milliardaire, prévoit le lancement de 12 000 satellites en orbite. Jeff Bezos, patron d’Amazon, caresse lui aussi un projet similaire : le projet Kuiper avec ses 3 200 satellites « fournira une connectivité à large bande à haut débit et à faible latence aux communautés non desservies et mal desservies du monde entier » [5].

Quel impact sur les systèmes vivants ?

Un tel déploiement sur terre et dans l’espace d’une technologie non éprouvée par des études d’impact biologique [6] pose des questions environnementales, éthiques et sanitaires. La 5G pourrait bien présenter une toxicité accrue par rapport aux technologies antérieures. Son déploiement dans l’espace pourrait en outre altérer fortement l’ionosphère, cette couche supérieure ionisée de l’atmosphère appelée ainsi en référence à son état de conductibilité électrique dû à une ionisation partielle des gaz.

Un des objectifs visé avec la 5G, rappelons-le, est de soutenir l’Internet des Objets (IoT) [7]. Plus il y a de data à transmettre, plus on cherche à élever les débits. Pour ce faire, on recourt à des fréquences porteuses élevées qui offrent davantage de possibilités de modulation par des fréquences plus basses et donc de possibilités de transmission de données.

Seulement, du point de vue des systèmes biologiques, de tels rayonnements électromagnétiques fortement modulés (par ailleurs également pulsés et polarisés) sont totalement inédits. Ils diffèrent significativement des rayonnements naturels dans lesquels les êtres vivants ont évolué depuis des millions d’années. Les rayonnements d’origine technologique représentent pour les systèmes vivants des perturbations anarchiques qui peuvent entraver leur fonctionnement normal.

Quant aux ondes millimétriques, ingénieurs et industriels des télécoms argumentent volontiers qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter car leur énergie électromagnétique sera principalement absorbée en périphérie du corps.

Ils invoquent pour cela l’« effet de peau » selon lequel plus la fréquence du rayonnement est élevée, plus faible est la profondeur de pénétration du rayonnement. Autrement dit, l’essentiel de l’absorption électromagnétique (et donc de l’échauffement) se ferait de manière concentrée sur les quelques premiers millimètres en surface du corps. Conclure, sur cette base, à l’innocuité de ces rayonnements serait aller un peu vite en besogne dans la mesure où la périphérie extérieure de notre organisme n’est pas une coque inerte constituant une barrière inébranlable et impénétrable.

D’une part, les effets de surface peuvent être importants au niveau des cellules et tissus externes (la peau, les yeux par exemple). Le phénomène est d’ailleurs bien connu puisqu’il est utilisé comme moyen de dispersion des foules en induisant des réactions désagréables au niveau de la peau, des sensations de brûlure par exemple. Il y a matière à suspecter que le déploiement de la 5G s’accompagne, chez les êtres humains, d’une augmentation des troubles dermatologiques, mélanomes et autres cancers de la peau, et des troubles oculaires. Sont davantage encore concernés par la 5G tous les êtres vivants de rapport surface / volume élevé, à savoir ceux de petite taille (par exemple les insectes, dont les abeilles) et tous les
végétaux qui, pour maximiser leur interaction avec l’environnement, ont évolué principalement
sous la forme de surface plutôt que de volume.

D’autre part, il y a aussi de fortes suspicions que l’impact des rayonnements de la 5G (comme d’ailleurs ceux des générations antérieures) puisse se manifester bien au-delà des couches périphériques/externes de l’organisme. Les matériaux vivants ne sont pas de simples matériaux conducteurs homogènes et inertes. Dans le sujet qui nous occupe, c’est une grave erreur d’omettre toute la complexité des systèmes biologiques capables de répondre à des stimuli électromagnétiques extérieurs autrement que par le seul phénomène d’échauffement en surface. Des perturbations électromagnétiques et des médiateurs chimiques (médiateurs de l’inflammation par exemple) peuvent être propagés dans tout le corps et induire des effets biologiques (non thermiques) jusqu’en profondeur.

Les ingénieurs n’ont pour la plupart que peu de connaissances en biologie. Sur le sujet qui nous occupe, ils ne réfléchissent pour beaucoup qu’en termes de dose de rayonnement absorbée et d’intensités moyennes. Ils assimilent la matière vivante à un matériau inerte. Ce faisant, ils passent à côté de la spécificité toute particulière des êtres vivants qui est d’être... vivant. En continuant à se conformer à des méthodologies et des normes établies par des ingénieurs sans tenir compte de considérations biologiques, on risque d’endommager gravement – peut-être même irréversiblement – les systèmes biologiques. [8]

Stéphanie D’Haenens & Wendy de Hemptine

Article publié par IEB le 4-09-19
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[1] Pour la 4G : 1 800 MHz (2014), 800 MHz (ancienne fréquence TV), 2 600 MHz (en milieu urbain)

[2] [Les futures antennes 5G seront-elles transparentes ?→https://www.rtbf.be/info/economie/detail_les-futures-antennes-5g-seront-elles-transparentes], RTBF, La Première, 6 mars 2019

[3] Raison pour laquelle les opérateurs installent aujourd’hui 3 antennes par mât par technologie pour couvrir les 360° du cercle.

[4] 64 % des satellites (1 325) sont envoyés en orbite basse (LEO), située entre 500 et 2 000 kilomètres de la surface de la terre [[Un satellite défilant d’autant plus vite que son altitude est plus faible, il faut, pour assurer la continuité de la liaison, disposer, sur un ensemble d’orbites, une constellation de satellites LEO (Low Earth Orbit) d’autant plus nombreux que l’altitude est plus faible : 10 à 12 satellites s’il sont à 10.000 km, plusieurs dizaines voire plusieurs centaines vers 1000 km et en dessous. Lebeau, André. « Satellites versus Etats : du Geo au Leo », Les cahiers de médiologie, vol. 3, no. 1, 1997, pp. 43-46.

[5] J.F. MUNSTER « Les constellations, révolutions des satellites », Le Soir, mardi 9 juillet 2019, p.14

[6] « Après enquête, le collectif de journalistes européens Investigate Europe, n’a trouvé aucune étude épidémiologique publiée sur la 5G. Selon les informations de Basta !, journal web indépendant, seules deux études de projection, l’une israélienne et l’autre suisse, existent. Ces deux études appelant d’ailleurs clairement à la prudence. » L. MINANO, Big data, multiplication des antennes et des ondes : bienvenue dans le monde merveilleux de la 5G , 11 avril 2019.

[7] L’IDATE (Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe) estime qu’il y aurait à l’heure actuelle 15 milliards d’objets connectés à internet contre 4 milliards seulement en 2010 ce qui confirme la vitesse de ce phénomène.

[8] Pour mieux appréhender les effets de la 5G sur la santé, lire 5G : des risques inconsidérés pour la Santé et l’Environnement, novembre 2018

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