22/09/2015

Le quadruplement du niveau d'exposition aux rayonnements du mobile toléré à Bruxelles est techniquement injustifié.

Communiquer sans frais ni opérateur
grâce à l'appli gratuite Serval
La nouvelle ordonnance régionale bruxelloise régissant les radiations non-ionisantes liées aux technologie mobiles implique de nombreux reculs autant sanitaires que démocratiques. Parmi lesquels le quadruplement du niveau d'exposition ou la suppression des enquêtes publiques visant les antennes relais. Pourtant il est possible de communiquer à des niveaux bien moindres, voire gratuitement en se passant des opérateurs et de leurs antennes.

Saviez-vous que le niveau d'immission toléré à Bruxelles fut récemment quadruplé et porté à six volt par mètres (6V/m)? Ce malgré l'avis du Conseil Supérieur de la Santé qui maintient sa recommandation à 3V/m ou les recommandations plus strictes encore du monde scientifique et médical, dont une part croissante préconise une norme maximale de 0,6V/m, soit cent fois moins que la nouvelle norme bruxelloise, les V/m s'exposant au carré. Le niveau d'immission aux rayonnements étant celui que vous subissez concrètement, physiquement, à ne pas confondre avec celui d'émission qui peut varier. Bien que grONDES dénonce les conséquences sanitaires de ce recul, ce texte se focalisera sur son aspect technique.

En effet, ce quadruplement de la norme, parmi les nombreuses autres concessions faites sans aucune contre-partie pour le citoyen ou la Région, montre à quel point l'ordonnance fut taillée sur mesure afin de rencontrer les demandes, très pressantes, des opérateurs. Il semble n'avoir d'autre justification que l'optimisation des bénéfices financiers des opérateurs. Car contrairement aux affirmations de ces derniers -répercutées sans autre analyse par de nombreux médias et politiques- déployer de nouvelles technologies ne nécessite pas de hausser la norme et certainement pas de la quadrupler.

Dans les différents domaines, de l'automobile à l’aéronautique, l’innovation et le progrès passent par l'économie et un impact moindre sur l’environnement. Les technologies mobiles et les opérateurs représentent des enjeux socio-économiques et sanitaires trop importants pour leur permettre d'échapper à cette logique. Dès lors, le déploiement de nouvelles technologies mobiles ne peut signifier un réel progrès quand elles provoquent une augmentation objective des pollutions urbaines déjà nombreuses.

Lorsque l'on traite d'une ville et d'une région aussi densément peuplées, le principe de précaution doit impérativement primer sur les profits.

Voici donc quatre pistes qui montrent qu'une augmentation n'était et n'est toujours techniquement pas justifiée, que des alternatives existent et qu'en définitive il serait même possible de se passer des opérateurs, de leurs coûteux réseaux et de communiquer gratuitement.


1. Diminuer la part qui leur est réservée puis supprimer les anciennes technologies (2G) permet de déployer les nouvelles (4 et 5G) sans hausse de la norme.

Le dernier avis du Conseil Supérieur de la Santé vient renforcer cet argument en ce qu'il préconise précisément la même approche :
"Le CSS constate cependant que l'utilisation de systèmes de communication sans fil, en termes de quantité d'informations échangées, est en forte augmentation [...] En termes de réduction de l'exposition, vu la croissance continue, il est souhaitable d'éliminer rapidement les anciennes technologies."
L'exemple du Japon démontre que l'abandon de la 2G est techniquement possible. Il n'y a aucune raison qui justifierait que la Belgique ne puisse suivre cet exemple, la population Bruxelloise n'a pas à subir le manque de prévoyance des opérateurs.

Cette première piste vise autant l'alternative technique que représente une diminution de la part réservée à la 2G que sa suppression rapide ou à terme. Ce qui de fait, nécessiterait une adaptation préalable par le législateur des contraintes imposées aux opérateurs quant à cette technologie datant de plus de 20 ans et bientôt obsolète.

2. Les GSM et les antennes relais sont conçus pour pouvoir fonctionner à des niveaux nettement plus bas que ceux prévu par la nouvelle et l'ancienne normes bruxelloises.

Le seuil de sensibilité d'un terminal-relais est de l’ordre de 200µV/m (200 microvolt par mètre) pour obtenir une communication de bonne qualité selon l’étude réalisée par Mr Pirard de l’ISSeP.. Ce seuil de sensibilité est 2000 fois plus bas que la norme de 0,6V/m recommandée par des experts scientifiques sur base des études publiées. Il n’y a donc aucune impossibilité à imposer des normes de protection plus efficaces.
D'autre part, la sensibilité limite de fonctionnement des appareils GSM, facteur tout aussi déterminant dans le fonctionnement d'un réseau GSM, est de l'ordre de 30µV/m (microvolt/m). C'est une valeur imposée par l'ETSI, organisme européen de standardisation des équipements de télécommunication. Cette valeur de champ électrique est 20.000 fois plus basse que la limite de 0,614V/m recommandée par les scientifiques pour la protection contre les effets non thermiques.

Ceci montre que les recommandations des scientifiques quant à la détermination de niveau de puissance inférieur sont tout à fait applicables et ne mettent pas en cause le fonctionnement correct des réseaux. L'application de ces recommandations permettrait de maintenir un service de qualité des réseaux de téléphonie mobile.

3. Des alternatives technologiques permettant de limiter les nocivités avérées ou potentielles existent.

Comme nous l'avons vu ci-dessus il est possible de déployer les technologies mobiles à des niveaux d'immission bien plus bas que ceux réclamés, voire exigés, par les opérateurs.
En l'état, comme le démontre la France ou en anticipant les évolutions technologiques prévisibles, à l'image du Japon et de son abandon de la 2G. Précisons qu'il existe d'autres approches plus prudentes et prévoyantes, telles que par exemple :
  • Un réseau de relais plus discrets par la taille mais plus dense et surtout, nettement moins puissant,
  • Une connexion physique, par câble, des antennes relais entre elles,
  • Un partage systématique des antennes relais existantes (et non des sites) par les opérateurs,
  • Un maintient et un développement du réseau de téléphonie privé et public câblé,
  • Idem pour le réseau Internet (dans ce cas comme dans le précédent, les experts vous confirmeront la supériorité qualitative de la connexion filaire),
  • Le développement des technologies "Li-Fi", c'est à dire par la lumière, sans câble ni micro-onde.

4. Il est techniquement possible de maintenir les communications entre les utilisateurs de "smartphone" et l'accès à Internet, tout en se passant des réseaux d'antennes relais des opérateurs.

Ce qui par ailleurs rendrait les communications entre téléphones mobiles beaucoup plus abordables, puisqu'elles seraient gratuites (si ce n'est le coût du téléphone lui-même). C'est précisément la raison qui explique l'aversion des opérateurs pour les logiciels qui permettent ce type de connexion directe entre utilisateurs, sans carte "sim" et donc sans utiliser les coûteux réseaux des opérateurs.

Le plus connu est le logiciel "Serval", légal et disponible gratuitement pour les téléphones mobiles fonctionnant sous l'OS Androïde, c'est à dire 84% des smart phones (Source IDC - via ZDNet.fr/chiffres-cles). Son créateur, l'Australien Paul Gardner-Stephen, un chercheur de l'université Flinders d'Adelaïde, s'est adjoint les services d'étudiants de l'Institut national des sciences appliquées de Lyon (INSA).
"Dans les années 1980, les ingénieurs travaillant sur les premiers prototypes [de GSM] avaient imaginé des réseaux mesh [sans opérateurs centraux], simples et bon marché. Mais les compagnies de téléphone les avaient empêchés de travailler dans cette direction, parce qu'elles voulaient préserver leur modèle pyramidal contrôlé par le haut, hérité du téléphone filaire - techniquement caduc mais commercialement très profitable. Aujourd'hui encore, si les mobiles ne peuvent pas se parler directement au niveau local, c'est parce qu'ils sont verrouillés par les opérateurs, qui obligent les usagers à passer par leurs relais et donc par leurs systèmes de facturation", explique l'inventeur (in Le Monde).
Les appareils qui téléchargent et utilisent le logiciel gratuit (open source) Serval sont reliés par maillage, c'est à dire la création de réseaux temporaires et mouvants totalement décentralisés.
Le dispositif s'adapte à la distance séparant les mobiles du groupe. S'ils ne sont séparés que de quelques centaines de mètres, ils peuvent communiquer directement entre eux. Si l'éloignement est plus important, les autres téléphones Serval se trouvant dans la même zone captent automatiquement la communication et la retransmettent, de proche en proche, sans intervention de leurs propriétaires.

Actuellement, Serval se base sur les émetteurs Wi-Fi des téléphones et les points d'accès Wi-Fi locaux. Sa prochaine mouture utilisera directement l'émetteur principal des mobiles, et exploitera les fréquences GSM. Destinée avant tout aux pays ne disposant pas d’infrastructures réseau suffisantes, ou dans le cadre de catastrophes naturelles, ce système implique pour être viable un nombre conséquent d’utilisateurs. Vu la densité de population à Bruxelles et le nombre d'utilisateurs actifs potentiels, son utilisation en serait d'autant facilitée.

Concernant cette dernière piste, il convient d'émettre une réserve, vu la nécessité d'évaluer préalablement l'impact sanitaire d'une telle application de maillage autonome, afin d'estimer si elle représenterait des niveaux d'immissions individuels et collectifs supérieurs ou moindres aux réseaux privés actuels. Il reste que cette approche ingénieuse montre que les alternatives, à explorer, au quadruplement de la norme d'immission provoquée par les différents réseaux d'antennes relais des opérateurs privés, sont multiples.

Les quatre pistes qui précèdent montrent qu'une hausse de la norme, en plus de représenter un risque accru pour la santé, n'est ni nécessaire, ni justifiée techniquement. Les seules "justifications" étant de réduire les procédures et de maximaliser les profits des opérateurs, plus de puissance signifiant moins d'antennes relais à installer. Il en va de même pour les nombreuses autres concessions faites, au détriment du niveau de protection des Bruxelloises et Bruxellois, avec ou sans smartphone. Ces pistes ne signifient certainement pas une approbation inconditionnelle à la surenchère du mobile, elles démontrent que grONDES ne s'oppose pas aux technologies mobiles pourvu qu'elles respectent la santé de toutes et tous, l'environnement et l'urbanisme.

De prochains articles aborderons aussi l'impact de ces technologies sur le respect de la vie privée, le travail, l'éducation ou les relations humaines.

Sources:
Conseil Supérieur de la Santé:
http://www.health.belgium.be/internet2Prd/groups/public/@public/@shc/documents/ie2divers/19100209_fr.pdf
Le Monde:
http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/01/29/une-loi-pour-encadrer-l-exposition-aux-ondes_4565339_3244.html
http://www.lemonde.fr/international/article/2012/04/21/le-logiciel-de-telephonie-mobile-qui-defie-le-controle-des-etats_1688852_3210.html
Serval:
http://www.servalproject.org

Note : une version précédente de ce texte évoquait une cinquième piste, qui faisait référence au rapport COPIC.
Plusieurs de nos membres compétents en la matière rappelant qu'elle traitait de  moyennes suggèrent de revenir ultérieurement sur d'autres aspects plus pertinents de ce rapport, dont acte.

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